Edith Keller, CEO Carlin International (Paris)
- Humans of Companies
- 13 juil. 2018
- 5 min de lecture
•French•

Ne pas croire que les choses arrivent facilement, c’est pas vrai. Il faut s’armer de courage et de volonté
Racontez-moi rapidement votre parcours et votre profession actuelle :
EK : Je suis CEO, donc direction générale de Carlin International. J’ai démarré ma carrière après avoir fait un BTS commercial et du droit sur un poste de contrôleur de gestion dans un bureau de style, c’est ce qui m’a fait découvrir la mode. J’ai eu une vraie passion pour ce métier qui n’était absolument pas un métier que je connaissais par avant. Il s’est avéré que c’était un univers extrêmement créatif, à l’époque c’était des nouveaux métiers qui marchaient bien, qui étaient très recherchés. De contrôleuse de gestion je suis vite passée à responsable de tout ce qui était trafic, gestion de produit (création de produit notamment cahiers de tendance). Au bout de 7 ans, cette société familiale est devenue très politique. Ça ne m’a pas plu donc j’ai décidé, un peu par hasard, de monter ma propre boîte. Et là je suis partie, sans salaire, sans vraiment savoir où j’allais, avec mon assistance et une créative. On a été hébergé un certain temps dans un labo photo où il faisait très froid. Donc nous savons ce que c’est de ramer, on sait ce que c’est la prise de risque. Et puis en fait on a marché très vite très bien parce que encore une fois c’était des nouveaux métiers, un peu comme l’équivalent du digital aujourd’hui. On apportait quelque chose de nouveau. Je me suis retrouvée responsable de société très jeune (moins de 27ans) et derrière j’ai racheté un bureau de style qui s’appelait Carlin et qui faisait 4 fois la taille de ma première entreprise. Rebelote, sans argent et en empruntant, en mettant mon appartement en hypothèque pour pouvoir reprendre cette entreprise. J’ai racheté Carlin parce qu’ils étaient hyper reconnus à l’international, à l’époque ils étaient 12. Pendant 6ans il a fallu se battre pour que Carlin devienne, et Carlin est devenue une très belle agence jusqu’en 2009 : période de crise, métier qui commence quand même à être un peu plus galvaudé parce que de nouveaux acteurs se mettent en place type le digital avec des concurrents comme WGSN, des gens plus formés dans les écoles et donc plus formés dans les entreprises donc plus de difficultés à continuer. Maintenant il faut du courage pour résister. On va dire que le courage a jalonné mon expérience professionnelle.
Quelles sont vos motivations au travail ?
EK : La motivation des équipes, clairement c’est évident, la passion de ce que je fais parce que j’adore la création et vendre la création ; c’est vraiment un truc qui m’éclate. Dès qu’il s’agit d’être chez le client et de convaincre. Pour moi c’est faire progresser l’entreprise dans son ensemble, c’est vraiment ma passion, je ne suis pas une femme d’argent.
Quels sont les défis que vous recherchez au travail ?
EK : Les défis que je recherche aujourd’hui clairement c’est la pérennité de Carlin, c’est donc réinventer un peu le modèle et réussir à faire que Carlin existe encore dans 30ans, sous une autre forme.
Comment gérez-vous le stress et la pression du travail ?
EK : C’est extrêmement difficile à gérer parce que en plus moi je suis une vraie affective donc tout m’atteint. C’est un travail permanent, c’est vrai qu’avec l’expérience on apprend à relativiser, à prioriser, à hiérarchiser mais gérer son stress, pas complétement. Ça reste pour moi un vrai sujet et à 60ans je n’ai toujours pas trouvé la solution miracle. Et je trouve que c’est ce qu’il y a de plus difficile pour l’entrepreneur.
Le risque pour moi c’est oser tout risquer
Comment définiriez-vous le risque ?
EK : Le risque pour moi c’est oser tout risquer. C’est-à-dire que qu’aujourd’hui moi je suis un peu troublée par ces gens qui veulent monter leur entreprise mais qui veulent déjà toucher un salaire, qui veulent tout de suite un capital. Prendre un risque ça veut dire l’assumer complétement. Aujourd’hui c’est des risques très frileux et les gens veulent un peu tout facilement et ce n’est pas vrai. Rien ne s’acquiert facilement ou alors vous êtes né avec beaucoup d’argent, né avec un réseau ou « fils de » et là c’est facile mais sinon il ne faut pas croire que ça se passe sans énormes efforts personnels. Tant sur le plan boulot que sur le plan courage. En plus nous sommes dans un pays où on n’est pas aidé (par les banques par exemple).
Comment mesuriez-vous le degré du risque ?
EK : Tant que je n’avais pas eu d’enfants, que je n’avais pas de conséquences autour de moi, le risque je pouvais le prendre totalement. Après, quand vous commencez à avoir des enfants, vous avez une responsabilité, le risque est là.
Sinon le risque est très important pour moi parce qu’on est une équipe de 40 personnes à préserver donc forcément quand je signe un contrat je fais attention que personne ne soit en danger. C’est les autres qui vous entrainent votre degré de risque, c’est rien d’autre.
Prenez-vous un risque plus facilement en groupe ou seule ?
EK : Seule ! Ça c’est clair. Enfin seul pour vous seul. Personne ne prend de risque avec vous, ça il faut être clair. C’est-à-dire que demain vous demandez aux salariés de mettre 10000€ pour sauver la boîte, personne ne les mettra. C’est un peu ça, mais chacun à son échelle.
Quel a été le plus gros risque que vous avez pris dans votre carrière ?
EK : Racheter Carlin. Une boîte qui était 4 à 6 fois plus grosse que ce que j’étais, racheter une équipe sur un métier que je ne connaissais pas complétement, sur l’international, pour lequel je n’étais pas formée donc là, oui, le risque a été complet.
Votre notion du risque a-t-elle évolué au fil des années ?
EK : Hélas oui, parce que j’étais totalement inconsciente, ce qui était génial. J’ai vraiment béni cette époque où j’avais une inconscience absolue et aujourd’hui c’est de plus en plus difficile, comme tout est devenu beaucoup plus juridique, le risque est beaucoup plus présent partout et c’est vrai que j’ai entrepris à l’époque où tout aller tellement bien que quelque part si vous ne réussissiez pas ça n’avait pas de conséquences lourdes. De toute façon moi je n’aurais pas réussi dans mon entreprise à l’époque, je retrouvais du boulot le lendemain matin. Tout était facile, aujourd’hui tout est extrêmement plus compliqué malgré certaines choses qui ont évolués comme le fait de pouvoir voyager facilement par exemple. Mais en France, le côté entreprenariat professionnel, n’est pas simple.
Même si vous êtes très bien entourés, il y a un moment où personne n’est à votre place et que les gens sont quand même détachés de votre problème et dès que vous abordé le juridique, là c’est compliqué.
Faire confiance, c’est important d’être bien entouré parce qu’on ne peut pas tout savoir, on ne peut pas tout connaitre.
Si vous avez des conseils à donner aux autres ?
EK :
- Faire confiance, c’est important d’être bien entouré parce qu’on ne peut pas tout savoir, on ne peut pas tout connaitre. Choisir de très bons partenaires dans les domaines d’incompétence ou d’inconfort.
- S’investir dans des petites structures, qui est bien plus facile à gérer. Ou alors la très grosse structure, mais l’entre-deux est extrêmement compliqué à gérer.
- Je conseillerai aussi d’intégrer au départ les salariés dans le capital, ça peut être intéressant (chose que je n’ai pas faite et que je regrette).
- Ne pas croire que les choses arrivent facilement, c’est pas vrai. Il faut s’armer de courage et de volonté.
- Arriver sur un marché soit avec une idée très bête mais nécessaire à tous soit avec une idée nouvelle, mais l’entre-deux, je n’y crois pas.
Comment évaluez-vous le succès ?
EK : Le succès c’est si la boite réussie à être pérenne, réussir à apporter beaucoup aux sociétés.
Mon succès est personnel, humain et créatif puisque j’ai bien réussi à aider les gens à s’épanouir et à grandir donc je pense que c’est là-dessus que je le mesure.
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